La citation « Répétez un mensonge assez souvent et il deviendra la vérité », attribuée au ministre de la propagande d’Adolf Hitler, Joseph Goebbels, résume ce que la psychologie moderne a prouvé : des déclarations répétitives peuvent dominer notre esprit critique au point d’accepter des faussetés comme des vérités évidentes. En d’autres termes, le lavage de cerveau fonctionne.
L’idée qu' »Israël a le droit d’exister » en est un bon exemple. C’est une déclaration si souvent affirmée par les dirigeants et les médias principalement occidentaux qu’elle semble correcte. Et s’il s’agit d’un « droit », il doit être ancré dans la loi.
Ainsi, lorsque le président français Emmanuel Macron aurait déclaré lors d’un conseil des ministres le 15 octobre que « M. Netanyahou ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU », en référence à la résolution 181(II) de l’Assemblée générale des Nations unies de 1947, il a suggéré que l’existence d’Israël découle d’un acte juridique international qui, par conséquent, lui confère une légitimité – le soi-disant « droit à l’existence ». Cette idée fausse, souvent partagée, est une distorsion des réalités historiques et juridiques.
Tout d’abord, l’idée d’un « droit à l’existence » inhérent à un État est fallacieuse. Sur le plan conceptuel ou juridique, un tel droit naturel ou légal n’existe pas – pour Israël ou tout autre État – car la création d’États-nations n’est pas ancrée dans le droit international. Les États-nations sont le résultat, en fin de compte, d’une proclamation par ceux qui prétendent représenter l’État nouvellement formé.
Une fois déclarés, le nouvel État et son gouvernement peuvent (ou non) être officiellement reconnus par d’autres États et gouvernements. Le nouvel État existe donc en raison d’un fait politique et non d’un acte juridique, c’est-à-dire qu’il n’a pas le « droit » d’exister.
Alors que la théorie juridique « constitutive » considère qu’un État n’existe que s’il est reconnu par d’autres États, la théorie « déclarative » considère qu’un État existe même en l’absence de reconnaissance diplomatique. Dans la pratique, cependant, une large reconnaissance diplomatique reste nécessaire pour qu’un État proclamé puisse fonctionner comme une entité juridique et politique à part entière, bien que le cas exceptionnel de Taïwan semble contredire ce postulat.
En ce sens, la résolution 181(II) des Nations unies « Futur gouvernement de la Palestine » n’a pas créé l’État d’Israël. Elle proposait plutôt un plan de partition de la Palestine occupée par les Britanniques en trois entités : un « État juif », un « État arabe » et Jérusalem sous un régime international spécial.
Avant le vote, les États-Unis ont exercé d’intenses pressions sur certains pays en développement ainsi que sur la France pour qu’ils votent en faveur de la résolution. Mais, fait remarquable, les États-Unis eux-mêmes ont été menacés, comme l’a rappelé le président Harry Truman dans ses mémoires : « Je ne pense pas avoir jamais eu à subir une telle pression de la part d’un autre pays : « Je ne pense pas avoir jamais subi autant de pressions et de propagande en direction de la Maison Blanche que dans ce cas précis. La persistance de quelques dirigeants sionistes extrémistes – motivés par des raisons politiques et se livrant à des menaces politiques – m’a troublé et agacé ».
Après avoir retardé le vote de quelques jours pour s’assurer le soutien nécessaire, l’Assemblée générale a adopté la résolution par une marge étroite de deux voix le 29 novembre 1947. Le plan de partage de la Palestine introduit par l’ONU n’a jamais été approuvé par le Conseil de sécurité et n’est donc jamais devenu contraignant en vertu du droit international. Mais même s’il l’avait fait, le Conseil de sécurité – tout comme l’Assemblée générale – n’aurait pas pu créer Israël, car ni l’un ni l’autre n’a la compétence juridique, en vertu de la Charte des Nations unies, de « créer » un État.
Six mois après le vote sur le plan de partage, l’État d’Israël a été proclamé par David Ben-Gourion, chef de l’Agence juive pour la Palestine. Cet acte politique est l’aboutissement de l’immigration juive en Palestine avant et après la Seconde Guerre mondiale, du nettoyage ethnique et de la violente campagne d’accaparement des terres menée par les milices sionistes, notamment la Haganah, le Stern Gang (Lehi) et l’Irgoun, qu’Albert Einstein qualifie dans une lettre de 1948 d' »organisation terroriste, de droite et chauvine ». Tous ont agi en tandem pour mettre en œuvre le plan Dalet, conçu par l’Agence juive pour la Palestine, que l’historien israélien Ilan Pappé qualifie de « plan de nettoyage ethnique ».
Le plan de partage a été rejeté par les cinq États arabes qui étaient membres de l’ONU à l’époque et par d’autres gouvernements, principalement parce qu’il était considéré comme une violation des droits inaliénables des Palestiniens (de toutes confessions) à l’autodétermination en vertu de l’article 55 de la Charte des Nations unies.
Juridiquement, ce point de vue reste valable aujourd’hui car le droit à l’autodétermination des peuples coloniaux est une norme impérative du droit international coutumier acceptée par la communauté internationale comme un principe juridique fondamental auquel aucune dérogation n’est permise. Il s’agit d’une norme juridique fondamentale stipulée à l’article 1 de la charte, qui définit les objectifs des Nations unies.
À la veille du vote, le ministre irakien des affaires étrangères, Fadhel al-Jamali, signataire de la charte, a déclaré devant l’Assemblée générale : « La partition imposée contre la volonté de la majorité du peuple mettra en péril la paix et l’harmonie au Moyen-Orient. Il faut s’attendre non seulement au soulèvement des Arabes de Palestine, mais aussi à ce que les masses du monde arabe ne puissent être retenues. Les relations entre les Arabes et les Juifs dans le monde arabe se détérioreront considérablement. Il y a plus de Juifs dans le monde arabe en dehors de la Palestine qu’il n’y en a en Palestine. … En bref, quiconque pense que le partage de la Palestine réglera le problème de la Palestine se trompe. Le partage créera une douzaine de nouveaux problèmes dangereux pour la paix et les relations internationales. Il vaut beaucoup mieux laisser la Palestine tranquille que d’essayer d’imposer une solution qui portera des fruits amers ».
Les paroles d’Al-Jamali étaient prémonitoires. Bien qu’Israël n’ait pas été créé par l’ONU comme le pense Macron, la communauté internationale est encore sous le choc d’une injustice historique commise à l’égard des Palestiniens de toutes confessions, y compris les Palestiniens juifs. Avant et après l’Holocauste, les sionistes avaient promis aux colons juifs d’Europe et d’Amérique du Nord un refuge sûr en Palestine, mais cette promesse s’est avérée vide.
Depuis sa création, l’État d’Israël est hypermilitarisé et en état de guerre permanent. Il n’aura aucune perspective de paix tant que son occupation des territoires palestiniens, syriens et libanais n’aura pas pris fin, que ses frontières n’auront pas été délimitées et que sa quête d’un « Grand Israël » biblique n’aura pas été formellement abandonnée.
La répétition de la propagande n’annule pas le droit international, selon lequel aucun État n’a un « droit » inhérent à l’existence, mais les peuples ont un droit inaliénable à l’autodétermination. Une puissance occupante n’a pas de droit inhérent à la légitime défense contre le peuple qu’elle soumet, mais le peuple sous occupation a un droit inhérent à la légitime défense contre ses occupants, comme l’a statué la Cour internationale de justice.
Les puissances qui pourraient faire la différence, au premier rang desquelles les États-Unis, semblent incapables ou peu désireuses de réparer une erreur historique et d’examiner ces principes du droit international avec lucidité.
Même face à un génocide en cours qu’ils favorisent, tant militairement que diplomatiquement, ils sont incapables ou refusent d’enlever leurs œillères politiques et même d’écouter leurs propres opinions publiques. Pire, ils préfèrent désormais prendre le risque d’une conflagration régionale, voire d’une frappe nucléaire de la part d’un régime israélien génocidaire. Espérer qu’on n’en arrivera jamais là n’est pas une stratégie convaincante.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position éditoriale d’Al Jazeera.