« Personne ne pensait que nous pourrions le faire, et nous l’avons quand même fait », a déclaré Marine Tondelier, chef de file du parti écologiste français, en se réjouissant de la formation du Nouveau Front populaire, une alliance de partis de gauche prêts à se battre lors des élections législatives françaises anticipées du 30 juin et du 7 juillet.

C’est un spectacle rare : la gauche française unie. Historiquement, elle a fait des querelles et des luttes intestines une forme d’art. Leur dernière tentative d’unité, lors des élections législatives de 2022, s’est effondrée sur fond de ressentiment mutuel entre les partis de gauche. Mais aujourd’hui, la situation est différente. Le choix est entre l’unité et une catastrophe d’extrême droite.

« Attention, quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet, mais ce n’est pas pour s’enquérir de sa santé. » Cette célèbre citation, souvent attribuée à Albert Camus, est douloureusement d’actualité. La menace de l’extrême droite frappant à la porte de la République a obligé la gauche française à se ressaisir.

Le pari du président Emmanuel Macron de convoquer des élections législatives anticipées en réponse à la défaite humiliante de son parti face à l’extrême droite lors des élections européennes du 9 juin a poussé la gauche à l’action et à l’unité. La crainte de voir le Rassemblement national, parti d’extrême droite, prendre le contrôle du Parlement et son chef, Jordan Bardella, devenir le prochain premier ministre, n’a pas permis de réfléchir ou de se reposer sur ses lauriers.

La dissolution stratégique de l’Assemblée nationale par le président Macron, qui a donné à l’extrême droite une chance réelle d’accéder au pouvoir, a involontairement allumé une flamme au sein de la gauche. Immédiatement, des militants de gauche de diverses factions ont commencé à appeler à un front uni. Nous savions tous qu’il s’agissait d’un défi de taille – après tout, la théorie des « gauches irréconciliables » est toujours d’actualité. Mais en quelques jours, les Verts, les socialistes, les communistes et la France insoumise ont négocié et se sont mis d’accord sur les circonscriptions électorales, garantissant un candidat unique de l’unité de la gauche dans chaque course législative plutôt que de diviser le vote, ainsi que sur un « contrat législatif » détaillé pour gouverner.

Cette nouvelle alliance électorale, soutenue par des sociaux-démocrates comme l’ancien président François Hollande et par des anticapitalistes déclarés comme l’ancien candidat à la présidence Philippe Poutou, est un développement rafraîchissant qui pourrait en fait déclencher une résurgence de la gauche.

Son nom, le Nouveau Front populaire, est un clin d’œil au Front populaire qui a remporté les élections législatives de 1936. Les similitudes entre les deux groupes de gauche, formés à près d’un siècle d’intervalle, sont importantes. À l’époque, comme aujourd’hui, la gauche était confrontée à la montée des forces fascistes. Pourtant, grâce à son unité et à sa détermination, elle a obtenu des réformes sociales révolutionnaires : congés annuels payés, semaine de 40 heures, etc. Le nouveau Front populaire d’aujourd’hui vise une transformation similaire avec un « programme de rupture » de l’ère Macron, qui prévoit de dépenser 150 milliards d’euros (161 milliards de dollars) d’ici 2027 et de collecter un montant équivalent pour soutenir les services publics, accélérer la transition écologique et aider les familles qui luttent contre le coût de la vie.

La nouvelle alliance n’est pas une simple coalition de partis, mais un mouvement soutenu par les syndicats, la société civile et les citoyens ordinaires. Elle a déclenché une vague de mobilisation populaire sans précédent.

Les enjeux sont incroyablement élevés et les citoyens ont pris conscience de la gravité de la situation. Le nombre record de Français vivant à l’étranger qui ont participé au vote en ligne souligne cette prise de conscience générale. Dans chaque quartier, dans chaque communauté, les gens se rassemblent pour faire campagne, pour voter et pour souligner la gravité historique de ce moment. Il s’agit d’une vague d’activisme aussi inspirante que nécessaire.

Cette vague de militantisme est motivée par la conviction que la gauche est forte, confiante et unie, mais aussi par la crainte de ce qui pourrait arriver si l’extrême droite l’emportait. Les gens craignent réellement qu’une victoire de l’extrême droite ne déclenche une nouvelle vague de violence raciste. Les centristes et les droitiers prétendent qu’il y a une équivalence entre le Nouveau Front Populaire et le Rassemblement National. Mais bien sûr, si la gauche l’emporte, les minorités n’auront pas à craindre pour leur sécurité. Il n’en va pas de même en cas de victoire du Rassemblement national.

Alice Diop, cinéaste française acclamée, élevée en banlieue parisienne par des parents ayant immigré du Sénégal dans les années 1960, a le mieux exprimé cette inquiétude. « L’extrême droite au pouvoir n’est pas seulement inquiétante d’un point de vue moral, c’est une véritable peur », a-t-elle déclaré. « Pour des gens comme moi, c’est une question de vie ou de mort.

Nous avons déjà eu un aperçu de la violence qui pourrait éclater si l’extrême droite triomphe, les militants de gauche ayant été confrontés à une hostilité sans précédent, à du vitriol et même à des agressions physiques pendant la courte période de campagne. La semaine dernière, un militant écologiste portant des tracts a déposé une plainte officielle auprès de la police après avoir été agressé par deux individus qui se sont identifiés comme des partisans du Rassemblement national.

La France est confrontée à une menace bien réelle de la part de l’extrême droite, mais la gauche s’est montrée à la hauteur de la tâche, s’est unie derrière un message positif et a offert au peuple français une alternative crédible et porteuse d’espoir.

« Personne ne pensait que nous pourrions le faire, et nous l’avons quand même fait.

Les mots de Tondelier résonnent profondément parce qu’ils traduisent un sentiment collectif. Il ne s’agit pas seulement de stratégie politique ; il s’agit de survie et de dignité, d’une bataille pour l’âme de notre pays. C’est un antidote puissant au désespoir et à la peur dont se nourrit l’extrême droite.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position éditoriale d’Al Jazeera.

By Laurie

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